Lors du précédent interglaciaire, pressenti comme ayant été un peu plus chaud que l'actuel, il semble que le niveau de la mer ait été, à son maximum, supérieur de 6 m au niveau actuel.
Ce que l'on ne savait pas dire, avec suffisamment de précision, c'était la façon dont ces 6 m avaient été atteints.
Une étude, parue dans le dernier Nature, vient nous apporter des informations complémentaires, plutôt
inquiétantes, d'ailleurs.
Rapid sea-level rise and reef back-stepping at the close of the last interglacial highstand
Paul Blanchon1, Anton Eisenhauer2, Jan Fietzke2 & Volker Liebetrau2
Institute of Marine & Limnological Sciences, National Autonomous University of Mexico, AP1152, Cancun, 77500 Quintana Roo, Mexico
Leibniz Institute of Marine Science, IFM-GEOMAR, Wischhofstrasse 1-3, 24148 Kiel, Germany
traduction rapide du résumé
Une évidence, largement répandue, d'un niveau maximum de +4 à +6m pendant le dernier interglaciaire, a conduit à craindre que les calottes glaciaires se détérioreraient, à la suite du
RC, et initieraient une élévation d'une magnitude similaire (voir ici).
La vitesse de cette élévation projetée est basée à la fois sur des simulations de fonte des calottes et sur des découvertes de perte rapide de glace (voir ici et
ici).
Connaître la vitesse à laquelle le niveau de la mer a atteint son point haut est fondamental pour faire des hypothèses concernant le futur.
Le meilleur enregistrement du niveau de la mer pendant cette période provient des récifs coralliens fossilisés dans des régions stables.
Toutefois ces enregistrements manquent à la fois de traces de développement de coraux à +6m et d'une chronologie détaillée due à la difficulté de datation U à des échelles
sub-millénaires.
Ici nous présentons une séquence complète et datée de récif corallien (reef-crest plus exactement) pendant la phase de
niveau haut, au cours du dernier interglaciaire, et située dans le nord-est de la péninsule (stable, géologiquement parlant) du Yucatan (Mexique).
Nous trouvons que ce développement corallien a été ponctué par la mort du corail à +3 m, suivie d'une reprise de ce développement, en arrière (vers le centre du lagon), à +6m.
La mort brutale du récif corallien le plus bas, mais l'accrétion continue entre le bas du lagon et la crête supérieure, nous permettent de déduire que ce retour en arrière est intervenu à des
échelles de temps écologiques (donc de quelques dizaines d'années) et fut initié par un saut de 2 à 3 m du niveau.
Utilisant la datation au 230 Th des coraux de la crête supérieure et...., nous déduisons que ce saut de niveau s'est produit à il y a 121 ka et concluons qu'il provient d'un épisode
d'instabilité de la calotte pendant la phase terminale du dernier interglaciaire.
La lecture plus détaillée du reste de l'article, au-delà des précisions sur la méthodologie utilisée, montre que le passage de 3 à 6m se serait fait de manière très brutale, en quelques
dizaines d'années.
Le fait que les niveaux de la mer ne soient pas trop loin de l'actuel, laisse supposer que les inlandsis étaient comparables aux inlandsis actuels, du moins au point de vue quantité de glace.
Le fait également, que les coraux étudiés soient dans une région très stable, permet de s'affranchir, en outre, du phénomène d'isostasie.
En conséquence, selon les résultats de cette étude, une élévation du niveau de la mer, de l'ordre de 3 à 4 m, lors du 21ème siècle, est dans le domaine du possible, si le réchauffement se produit
tel qu'il est prévu actuellement.
Les 6 m annoncés dans le film d'Al Gore sont donc de moins en moins de la science-fiction ou autre catastrophisme.