Un argument sceptique de base, parmi tant d'autres, pour expliquer le réchauffement moderne, est d'évoquer la variabilité interne du climat.
Bien entendu, il n'y a pas le moindre début de commencement de preuve, en général, mais c'est d'autant plus facile d'instiller le doute en utilisant cet argument que cela s'appuie sur un fait réel qu'on peut vérifier à l'échelle locale, à savoir:
le temps varie en permanence.
Evidemment si le temps varie à un endroit donné, par exemple s'il fait plus froid que la normale, c'est souvent, voire toujours, qu'il fait plus chaud ailleurs.
Bref, après ces petites considérations, nous allons essayer de voir, dans plusieurs articles, ce qui coince pour expliquer le réchauffement récent uniquement par la variabilité interne.
généralités
On comprend par variabilité interne tout ce qui fait varier le climat en dehors des forçages radiatifs provoqués principalement par:
- les gaz à effet de serre (hors vapeur d'eau)
- le soleil (activité, orbital)
- les volcans
- les changements d'usages des sols (qui peuvent intervenir également dans les bilans eau)
On emploie le terme de forçage interne lorsque celà concerne l'action d'un phénomène qui agit,en dehors des forçages radiatifs cités plus haut, sur tout ou partie du système climatique.
Par exemple, on parlera de forçage des SST sur les terres, de forçage d'un Niño sur la planète, etc.
Ce qui nous intéresse ici est la variabilité de la température moyenne de surface qui est l'indicateur principal du changement climatique.
Nous utilisons, comme d'habitude, un système qui comporte une ou deux zones homogènes qui subissent des processus physiques très simplifiés.
La température moyenne est donc la température de la zone ou la température moyenne de deux zones au maximum.
La variabilité interne de la température moyenne se traduit donc par la variabilité de la température en un seul point ou de la température moyenne de plusieurs points (ici deux seulement, mais le raisonnement ne change pas si on utilise un plus grand nombre de points).
paramètres influant sur la température de surface
Le premier principe de la thermodynamique nous dit que c'est la variation de son énergie interne, elle-même égale aux quantités de chaleur et de travail échangées entre cette masse et l'extérieur.
On fera attention cependant au fait que l'énergie interne n'a de signification que pour une masse ou une parcelle de matière (air par exemple).
On ne fera pas intervenir ici les approches eulériennes (point fixe) ou lagrangiennes (matière) et on considérera donc de la matière fixe subissant des flux de chaleur bien qu'en réalité il y ait transfert de masse.
On peut représenter schématiquement les principaux transferts thermiques et radiatifs (travail mécanique négligé) de la façon suivante:
L'advection représente ici le transfert de chaleur horizontal, la convection le transfert vertical.
Les échanges de chaleur entre surface et couches profondes sont spécifiques aux océans.
nota: l'advection correspondant au transport de chaleur ou d'enthalpie n'a de sens que s'il existe un gradient d'enthalpie (lié au gradient de température) dans le sens de la circulation atmosphérique ou océanique.
Nous allons examiner un exemple simple qui concerne l'advection, en supposant les échanges verticaux constants, sauf le transfert radiatif.
transport méridien à l'échelle globale
Le système climatique terrestre, à l'échelle globale, dans les grands principes, est relativement simple.
Le fait que la Terre soit une sphère implique que le flux solaire (en W/m2) décroît lorsqu'on s'éloigne de l'Equateur vers les pôles.
Il y a donc un gradient de flux solaire méridien (équateur-pôles) reçu qui provoque un gradient de température de surface.
Ce gradient de température appliqué à une planète avec atmosphère et océans, implique une mise en mouvement des fluides de l'équateur vers les pôles.
Pour l'atmosphère, par exemple, c'est la différence d'énergie potentielle méridienne due elle-même à la différence de température, qui va être un moteur important de l'ensemble de la circulation atmosphérique et océanique.
Il y a donc un transfert d'énergie, essentiellement thermique, par l'intermédiaire des vents et des courants marins, qui compense partiellement la différence de flux solaire reçu entre équateur et pôles.
La terre étant en rotation sur elle-même la force de Coriolis s'oppose au transfert méridien en donnant naissance à un mouvement zonal (d'ouest en est) dont les courants jets sub-tropicaux sont l'expression la plus spectaculaire.
Les courants jets du fait d'hétérogénéités diverses (orographie par exemple) engendrent des ondes de gravité qui elles-mêmes vont perturber la troposphère sur des zones déterminées.
C'est dans ces zones, autrement appelées zones baroclines, que naissent les perturbations qui sont des machines à échanger de la chaleur particulièrement efficaces (notamment de chaleur latente).
C'est dans ces zones que le transfert méridien maximal a lieu.
Nous n'allons pas rentrer dans les mécanismes atmosphériques ou océaniques qui peuvent faire varier l'échange méridien, et nous allons plutôt envisager ce qui se passe de manière très macroscopique en cas de variation de cet échange méridien.
Notons que le transfert thermique est fortement contraint par le gradient de flux reçu, constant sur l'année en dehors des variations orbitales de long terme et par la rotation de la Terre sur elle-même, constante également.
Notons également que si le transfert varie, l'effet sur le gradient s'oppose à cette variation.
Seul l'aspect chaotique du climat peut induire la variabilité interne de ce transfert à moyen terme si on exclut le phénomène des saisons.
un peu de chiffres et de calculs
le transfert équateur pôles est en moyenne, selon Trenberth et al, de 12PW (12 1015W) entre une bande 30°N/30°S et le reste de la planète.
Cette puissance thermique correspond à un flux, ramené à la surface, de 47 W/m2 environ.
On notera que le transfert atmosphérique est bien supérieur au transfert océanique dans un rapport de 5:1.
De plus le transfert océanique est largement soumis à la circulation atmosphérique.
La partie convective (thermohaline) plus "indépendante" en principe de cette circulation étant inférieure à 0.5PW correspondant à un flux de l'ordre de 1W/m2.
L'extinction totale de la circulation thermohaline ne représenterait que très peu sur un plan global d'autant que la circulation atmosphérique aurait tendance à prendre le relais.
Nous allons envisager une variation de l'ordre de 20% environ de ce transfert méridien, soit 2.4PW ou 10 W/m2 sur 50 ans par exemple.
L'ordre de grandeur de cette variation, dans un système aussi fortement contraint, ne se produit que lors du cycle saisonnier et c'est surtout la forte dissymétrie des deux hémisphères qui en est la cause.
Une variation interne du transfert méridien du système, hors cycle saisonnier, aussi importante que 20%, impliquerait vraisemblablement que le système soit très instable.
Et on voit mal les changements de circulation atmosphérique susceptibles de provoquer une telle variation pendant la période du réchauffement climatique observé.
Une telle instabilité de l'atmosphère se traduirait vraisemblablement par des variations du très court terme au moyen terme d'une intensité plutôt conséquente.
Mais peu importe, nous ferons tout de même cette hypothèse pour mettre en évidence les conséquences en terme de répartition des températures.
1er cas : pas de rétroactions
C'est le cas envisagé dans ce premier article, tout à fait théorique donc, et correspondant à la réponse de Planck pure.
Le calcul est évidemment très facile puisqu'il s'agit d'utiliser l'équation qui lie la température au flux émis par une surface (loi de Stefan)
On considère qu'on est à l'équilibre: le flux émis par la surface est égal au flux reçu.
Ce flux reçu est égal au flux solaire +- advection.
Ce système climatique très simple est figuré sur le schéma ci-dessous:
On peut faire varier le rapport entre surface émettrice et réceptrice, ainsi que l'advection.
Le flux solaire net atteignant la surface chaude est de 400 W/m2, celui affectant la surface froide est de 200W/m2.
L'advection d'origine, est de 42W/m2 et on suppose qu'elle augmente de 10W/m2.
Si les surfaces émettrice et réceptrice sont égales les advections sont égales en valeur absolue mais inversées.
résultats
On suppose, rappelons le, qu'on est à l'équilibre
Si les surfaces sont égales, une advection de 10W/m2 supplémentaires (42 W/m2 à 52 W/m2) sans forçage exogène provoque une augmentation de la température moyenne de 0.3K seulement.
La température de la zone chaude baisse de -2K tandis que celle de la zone froide augmente de 2.6K.
On est loin de l'augmentation de température moyenne constatée depuis 1960, par exemple, égale à 0.7K .
On est également très loin de la répartition de température telle qu'observée par la NASA.
Cette répartition observée pourrait faire penser à un transfert de chaleur de l'hémisphère sud vers l'hémisphère nord ce qui est concevable si on considère une baisse de l'advection vers le sud et une augmentation vers le nord, à partir des régions chaudes.
On se ramène en quelque sorte au cas précédent.
Essayons de reproduire cette répartition avec la même température moyenne.
Les observations indiquent que l'HS s'est réchauffé de 0.49K alors que l'hémisphère nord se réchauffait de 0.92K.
Sans forçage c'est évidemment impossible puisqu'on rend le système plus hétérogène en déséquilibrant les deux hémisphères et en conséquence on diminue la température moyenne.
Si on veut reproduire la situation observée, il faut appliquer un forçage global de 3.1W/m2 et une augmentation du transfert HS vers HN de 1 W/m2.
Notons que ce transfert supplémentaire a pour effet de faire baisser très légèrement la température moyenne.
La figure ci-après illustre les 3 cas que nous avons examinés.
conclusion
Une augmentation très conséquente (20%) du transfert méridien équateur vers pôles, telle que la température moyenne augmente de 0.3K seulement, entraîne un refroidissement important des régions équatoriales et un réchauffement important des régions polaires de 2 à 3K en valeur absolue pour les deux variations.
Ces valeurs sont incompatibles avec les observations.
Si on essaie de reproduire par ce mécanisme la répartition observée, il faut un forçage global de 3.1W/m2 avec une augmentation du transfert entre l'hémisphère sud et l'hémisphère nord de 1W/m2.
Dans ce cas c'est le forçage qui est exclusivement responsable de l'augmentation de température moyenne.
La variabilité du transfert méridien seule est donc incapable d'expliquer les observations, du moins compte-tenu des hypothèses simplificatrices prises en compte.
Nous verrons dans le prochain article une variation de l'advection dans des zones de sensibilités climatiques différentes.