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22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 13:28

 

 

Je signale cette étude de Kemp et al 2011:

 

"Climate related sea-level variations over the pas two millenia"

 

Au cours de laquelle les auteurs établissent l'évolution du niveau de la mer (corrigée du rebond isostasique) à partir de mesures effectuées en Caroline du nord.

 

Les "proxies" utilisés sont des foraminifères qui se développent dans des marais salants côtiers.

 

En gros, on mesure l'élévation du niveau corrigée de la PME (hauteur de formation des foraminifères actuellement), la chronologie des échantillons, et on applique une formule pour déterminer le rebond isostasique en Caroline du nord.

 

On obtient ainsi l'évolution du niveau de la mer global puisque la Caroline borde l'Atlantique qui n'a aucune raison de se désolidariser de l'océan global.

 

 

niveau Kemp

(courbe en bleu- source Realclimate)

 

 

Comme cette évolution est liée, au premier ordre, à l'évolution de la température globale, il se conçoit que le niveau de la mer peut lui-même être un proxy de la température globale.

 

 

Je ne discuterai pas ici de la validité de la méthode ni de ses incertitudes, mais de deux points en particulier.

 

 

1- faibles variations au cours de l'Optimum Médiéval et du Petit Age Glaciaire

 

 

Cela tendrait à conforter les reconstructions actuelles qui établissent le fait que, globalement, ces deux périodes ont vu des variations de température globale plus faibles que l'actuelle.

 

Ceci ne voulant pas dire non plus, pour prendre l'exemple  de l'Optimum Médiéval, qu'un réchauffement important ne se serait pas produit en Arctique alors que l'Antarctique se serait refroidi.

 

 

2- variation forte pendant le 20ème siècle

 

 

Il est fait référence à l'étude de Church et White 2006 qui concerna la mesure du niveau par marégraphes de 1870 à 2001.

 

On peut mettre en parallèle le niveau marégraphes, selon cette étude, avec l'évolution des forçages anthropiques estimée par Crowley.

 

niveau-forçages 2

 

 

 

 

Il n'y a pas de correspondance évidente entre ces deux évolutions, c'est le moins qu'on puisse dire.

En effet, entre 1934 et 1965 (dates approximatives) le forçage anthropique est quasiment stable et plutôt faible (0.45W/m2) alors que le niveau s'élève de 68 mm (soit 2.12 mm/an) et, entre 1965 et 2001, le forçage augmente de 1.1 W/m2, pour atteindre 1.6W/m2, alors que le niveau s'élève de 77mm (soit 2.07 mm/an).

 

On peut mettre également en parallèle le niveau et la température globale et là aussi il y a des évolutions, à certaines périodes, non corrélées.

 

 

niveau-température

 

 

Entre 1942 et 1977alors que la température globale baisse/stagne, selon Hadley, le niveau continue à augmenter assez fortement.

 

 

On peut envisager, en ce qui concerne le forçage, un retard du à l'inertie du système mais ce n'est qu'une explication partielle et de toute façon insuffisante.(à moins aussi que les estimations de forçages aérosols soient complètement farfelues)

Pour la température, les deux composantes du niveau (stérique et massique) compliquent probablement sa corrélation avec le niveau mais dans ce cas, pourquoi évoquer dans Kemp et al 2011, une proportionnalité de la hausse avec la température: dH/dt = a(T-T0).

 

Il apparaît donc deux évidences: 

 

- le niveau semble s'élever assez fortement de façon non exclusivement dépendante du forçage anthropique avec une légère accélération à 3 mm/an dans les deux dernières décennies, pouvant faire suspecter, en première analyse, que l'influence humaine ne serait pas responsable de la totalité de la hausse du niveau.

 

- le niveau s'élève, grossièrement, avec la température (ce n'est pas un scoop) mais, dans le détail, de fortes divergences apparaissent, laissant suspecter que les variations locales de température pourraient avoir une influence non négligeable sur le niveau global (dans l'Arctique par exemple).

 

 

Voilà, je ferai une autre conclusion plus générale concernant le discours médiatique actuel qui impute la hausse actuelle du niveau uniquement à l'influence humaine.

En fait, on pourrait imaginer qu'il y ait une montée naturelle du niveau, assez significative, sur laquelle viendrait se rajouter une montée "anthropique" encore relativement modérée.

Bon on regardera les post-scriptums qui, concernent l'aspect différentiel des choses et qui modèrent un peu ces deux premiers alinéas.

 

 

réflexions complémentaires

 

 

1- un point à priori plutôt surprenant qui concerne le premier graphique de cet article.

 

en effet, la courbe rouge (modèle) suit parfaitement bien l'évolution des derniers siècles.

Ceci paraît étonnant, étant donné le fait que les forçages, au moins pendant 30 ans (1935-1965) sont plutôt faibles.

Donc qu'est-ce qui peut bien faire augmenter autant le niveau quand forçages et température sont aussi  faibles? 

Le déstockage ou la baisse des précipitations sur les terres?

Les oscillations océaniques?

 

 

2- signal différentiel : hausse du niveau

 

il n'est pas facile de comparer un niveau, qui représente un cumul, avec la température.

J'ai donc regardé plus précisément ce que donnait le signal différentiel, le fameux dH/dt et voilà ce que çà donne:

 

niveau différentiel

 

là non plus il n'y a pas de corrélation évidente même au niveau des moyennes décennales glissantes, du moins on vérifie difficilement dH/dt = a (T-T0).

 

 

 

3- corrélation entre les moyennes décennales glissantesde dH/dt et T

 

niveau corré 3

 

Le coefficient de corrélation, égal à 0.53, n'est pas excellent

 

Il sembe toutefois y avoir un retard du dH/dt par apport à la température.

 

Vérifions ce que çà donne avec un décalage de 12 ans.

 

niveau corré 4

 

La corrélation s'améliore (0.63) de façon sensible.

 

Le phénomène semblant après tout relativement normal, puisqu'il est concevable que le phénomène de fonte ne soit pas immédiat après une augmentation de température.

 

 

4- causes de l'augmentation du niveau

 

 

l'équation bilan qui relie la puissance reçue (Pr) par le système à la température de surface et au forçage est la suivante:

 

Pr = F - T/S

 

Mais suivant que cette puissance est utilisée à fondre la glace ou à chauffer l'océan, les conséquences en terme d'élévation du niveau changent de façon drastique.

 

exemple pour Pr = 1W/m2

 

si c'est intégralement utilisé pour chauffer l'océan, cela correspond à une hausse de 1.8mm/an

si c'est intégralement utilisé à fondre la glace, cela correspond à une fonte de 94.2 kg glace par an et par m2, soit 94 mm/an.

La fonte est 52 fois plus efficace que le réchauffement de l'océan pour faire monter le niveau de la mer.

 

Cette constatation doit permettre de regarder tout ce que j'ai raconté plus haut de façon différente.

 

Si, pour une raison ou pour une autre la circulation atmosphérique/océanique change de façon à attaquer différemment les glaces, on peut avoir variation significative du niveau avec une température de surface qui semble ne pas varier.(exemple: période 1942-1970)

Ceci doit rendre prudent sur une utilisation trop simpliste de la relation dH/dt = a(T-T0) et subordonne à mon sens la variation de niveau à l'utilisation de modèles complexes.

 

 

5- local vs global

 

Un réflexion intéressante, émanant de divers commentateurs, concerne l'aspect très local de la mesure en Caroline du nord et sa représentativité du niveau global.

 

En effet quand on regarde par exemple cette représentation (site AVISO)

 

niveau local

 

on peut distinguer des zones de hausse et des zones de baisse, au cours des 18 années de mesure satellitaire.

 

La zone "Caroline du nord" semble d'ailleurs assez perturbée.

 

Mais on peut se douter aussi que sur 18 ans il y ait influence des changements de circulation océanique.

 

Enfin c'est pas simple.

 

Toutefois, à leur décharge, les auteurs de Kemp et al 2011, présentent, dans les infos supplémentaires, ce graphe (fig S6):

 

niveau S6

 

qui indique une corrélation acceptable, sur 300 ans tout de même, entre le niveau local en question et le niveau global par marégraphes suite à Jevrejeha et al 2008.

 

Ceci ne veut pas dire que c'est bon sur les 2000 ans bien sûr.

 

Concernant la validité des corrections de niveau isostasique sur 2000 ans, des avis de spécialistes seraient souhaitables.

 

liens

 

Kemp et al 2011: http://www.pnas.org/content/early/2011/06/13/1015619108.full.pdf

 

article Realclimate: http://www.realclimate.org/index.php/archives/2011/06/2000-years-of-sea-level/

 

Church and White 2006 : http://naturescapebroward.com/NaturalResources/ClimateChange/Documents/GRL_Church_White_2006_024826.pdf

 

données du niveau par marégraphes: http://www.cmar.csiro.au/sealevel/sl_data_cmar.html

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commentaires

T
<br /> Gilles<br /> Chez pensée unique , un commentaire qui devrait te faire plaisir<br /> On revient le 13/7 sur le giec gate<br /> “Les sources renouvelables telles que le solaire, le vent ou l’hydroélectrique pourraient fournir près de 80% de la demande énergétique mondiale vers 2050 si on applique les bonnes politiques,<br /> selon un rapport de l’ONU qui a reçu l’approbation des gouvernements ce lundi.”<br /> Le Huffington Post US), “L’énergie renouvelable pourrait subvenir à 80% des besoins de la planète vers 2050, dit l’ONU.”<br /> Le Guardian (UK) : “L’énergie renouvelable peut approvisionner le monde déclare un rapport marquant du GIEC.”<br /> ---------------------------------------------------<br /> Pour une fois je suis d’accord avec le GIEC ; comme il n’y a que pour trente ans de réserve de pétrole et que le gaz va suivre de près , si les écolos nous sucrent aussi le nucléaire, peut-être que<br /> le GIEC aura raison pour une fois<br /> <br /> <br />
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G
<br /> c'est pas très utile comme commentaire, mais quand même, il faut dire des choses parfois. C'est curieux les différences d'appréciations qu'on peut avoir : j'ai dû faire la connaissance virtuelle de<br /> Skept en même temps que Robert, et à l'inverse de lui, je pense qu'il fait partie des quelques personnes ayant les réflexions les plus sensées et les plus pertinentes sur ces sujets qu'il m'a été<br /> données de lire, et il me parait avoir une culture nettement au-dessus de la moyenne. Je préfère ne pas faire de commentaires sur Robert, et si il pense la même chose de moi, j'avoue que cela<br /> m'indiffère assez profondément.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Robert : no comment (à tout point de vue).<br /> <br /> <br />
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R
<br /> Skept,<br /> <br /> Alors vous vous en êtes un vrai..., Le pire c'est que c'est pour la vie.<br /> <br /> Jamais vu un tel tissu de conneries et pourtant j'en ai lu.<br /> <br /> Je crois que le mieux est de vous ignorer.<br /> <br /> <br />
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S
<br /> Pour revenir sur la distinction progrès et croissance, je considère la seconde comme une condition du premier. Ce n’est pas tant la croissance que l’échange qui me paraît positif dans l’évolution<br /> humaine. Pour rester dans notre aire culturelle (mais c’est valable ailleurs), les cités grecques dans l’Antiquité, les villes italiennes et flamandes à la Renaissance, l’Europe au XIXe siècle ou<br /> les Etats-Unis au XXe siècle n’ont pas produit que de la richesse pour la richesse : celle-ci a permis aussi bien une forte expression des sciences, des techniques, des arts, de la pensée en<br /> général. Et bien sûr d’une aisance matérielle qui n’a rien de désagréable. Je suis évidemment d’accord avec toi Meteor sur le partage de cette richesse dans la société, qui est aussi une condition<br /> du progrès durable (et de la justice, tout simplement). La richesse ne me pose pas problème si, comme le dit Rawls, l’inégalité tolérée améliore le sort du plus défavorisé de la société (mieux vaut<br /> alors qu’il y ait plus que moins de richesse à redistribuer).<br /> <br /> Robert : je ne comprends rien à vos Bisounours. Le fait est que les pauvres ne sont plus enfermés en asiles et maisons de correction, ne travaillent plus 12 heures par jours dès l’âge de 6 ans,<br /> bénéficient d’une éducation et de soin, ne sont plus condamnés au brigandage ou vagabondage en cas de chômage, ne subissent plus de privations élémentaires, disposent d’une hygiène de base, etc. Et<br /> que lorsque cela arrive encore (sans-papier), quoique moins gravement que jadis, cela soulève l’indignation. Donc oui, les choses se sont largement améliorées après le XIXe siècle. Cela n’a<br /> évidemment pas été sans lutte, c’est toute l’histoire du mouvement social. Faire une caricature du capitalisme n’est certainement pas le moyen le plus efficace de la réformer pour le rendre plus<br /> équitable et plus durable. Mais bon, vous avez peut-être besoin de caricature, de manichéisme, de diabolisation pour que votre vision du monde fonctionne…<br /> <br /> <br />
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