On n'a pas fini de parler de cet ouragan dévastateur, Sandy, qui, telle la créature monstrueuse de Frankenstein, s'est retourné contre son créateur, venant le tourmenter jusque dans son BosWash sacré.
La proximité avec la fête Halloween l'avait fait surnommer, par humour ou défi enfantin, Frankenstorm.
Mais ce surnom s'est révélé, pendant et après la tempête, étrangement approprié.
Pour le côté monstre il faut juger sur pièces.
Selon cette source, les caractéristiques de trois ouragans récents ayant atteint la côte Est des USA sont comparées, j'en reprends quelques-unes ci-dessous:
|
catégorie |
vent maxi (km/h) |
diamètre (km) |
pression œil (mb) |
surcôte de tempête (m) |
Katrina |
3 |
201 |
644 |
920 |
4.3 |
Irene |
1 |
137 |
837 |
951 |
2.4 |
Sandy |
1 |
151 |
1512 |
940 |
3.81 |
On peut faire une estimation grossière des puissances relatives en considérant le cube de la vitesse et le carré du diamètre
Si Irène c'est 1, Katrina c'est 1.9, Sandy c'est 4.4
En attendant des calculs plus précis de la puissance, Sandy est d'ores et déjà le plus grand (en dimensions) cyclone ayant jamais atteint le nord-est des Etats-Unis.
Les dégâts sont considérables, on parle de 30 à 50 milliards de dollars, estimation revue sans cesse à la hausse alors que pour Katrina c'était 80 milliards.
Mais le nombre de morts est considérablement plus faible (environ 60 aux USA pour le moment) que pour Katrina (1833 morts) pour des raisons de géographie locale et aussi grâce à un formidable travail de prévention de l'administration démocrate américaine, contrairement à ce qui s'était passé lors de Katrina où les sceptiques républicains gouvernaient pour le meilleur mais surtout pour le pire.
Je pense que nous aurons d'autres occasions de revenir sur les caractéristiques hors normes de Sandy.
Venons en maintenant au côté "Franken"
C'est une évidence que le réchauffement augmente la puissance potentielle des ouragans puisqu'il augmente de température de l'océan et donc la quantité d'énergie thermique disponible, sous forme de chaleur latente, dans l'atmosphère.
De nombreux auteurs ont fait des estimations dans ce sens.
Récemment, Elsner et al 2012 ont quantifié l'augmentation d'intensité maximale potentielle des cyclones à 7.9m/s par °C d'augmentation de SST.
Dans le cas de Sandy comme le dit Trenberth, les SST étaient anormalement chaudes le long de la côte américaine.
Cependant cette anomalie de 3°C était essentiellement due à la variabilité naturelle, le réchauffement anthropique pouvant être responsable, théoriquement, de 0.6°C.
Selon Emanuel, Sandy était, à l'approche des côtes, une tempête hybride se nourrissant de la température de l'océan, comme tout cyclone tropical, mais aussi du contraste de température dans l'atmosphère, comme toute tempête extra-tropicale.
De tels hybrides apparaissent de par le monde avec une certaine régularité mais l'influence du changement climatique est moins évidente à observer pour eux que pour les ouragans classiques.
Pour ce qui est des conséquences du "landfall" proprement dit, c'est-à-dire l'arrivée de la tempête sur les terres, l'influence humaine sur le niveau des océans,10 cm d'élévation depuis 30 ans, s'est fait ressentir, encore modestement, dans l'amplitude du "storm surge" (vague de tempête).
Mais quand sera-t-il à la fin de ce siècle si l'élévation du niveau des océans est de l'ordre du mètre et au cours des siècles suivants où plusieurs mètres ne sont pas exclus?
Un monstre stéroïdé évoluant dans un océan surélevé aura quelles conséquences sur des mégalopoles côtières éventuellement encore présentes?
Globalement les scientifiques ne se mouillent guère lorsqu'il s'agit de quantifier avec précision la part humaine dans les évènements extrêmes et dans les ouragans en particulier.
On les comprend.
Le jour où leurs modèles sauront, non seulement modéliser un ouragan, mais aussi le faire apparaître de temps à autre en tant que variabilité climatique, n'est pas demain.
Néanmoins le réchauffement induit indubitablement une augmentation du potentiel destructeur des ouragans par l'augmentation du niveau des océans et par l'augmentation de l'énergie thermique contenue dans l'atmosphère.(voir également Grinsted et al 2012)
On peut affirmer, sans se mouiller cette fois, qu'une part, sans doute assez modeste, des dégâts occasionnés par Sandy, a de bonnes chances d'être due à l'action humaine sur le climat.
Il en est de même pour tous les évènements climatiques extrêmes ou non.
Comme dirait je ne sais plus qui, l'action du réchauffement sur le climat, se caractérise par son caractère systémique.
Autrement dit, il est présent dans chacun des évènements climatiques du plus banal au plus extrême.