(support: photo NASA)
Décidément le refroidissement est à la mode ces temps-ci,
que ce soit suite à l'influence de la PDO ou de la Niña (voir les articles précédents).
Les promoteurs du réchauffement d'origine anthropique (dont, modestement, je soutiens les fondements, mais pas forcément tous les "détails" d'application) vont avoir beaucoup de travail pour convaincre les décideurs et le citoyen lambda, de la justesse de leurs théories et prédictions, au regard de ce qui risque de survenir au cours de la prochaine décennie.
Du moins si on en croît cette nouvelle étude, parue dans le dernier Nature, dont les conclusions, sont, pour le moins surprenantes:
"Advancing decadal-scale climate prediction in the North Atlantic sector"
réalisée par des gens, semble t'il, sérieux:
NS Keelyside, M Latif (Leibniz Institute of Marine sciences)
J Jungclaus, L Kornblueh, E Roeckner (Max Planck Institute of Meteorology)
dont voici le résumé traduit:
"La prédiction climatique à l'échelle décennale dans le secteur Nord-Atlantique, avance.
Le climat de la région nord-atlantique présente des fluctuations décennales, qui ont de grandes conséquences sociétales.
Des exemples frappants concernent l'activité cyclonique dans l'Atlantique nord, les températures et les pluies en Amérique du Nord, en Europe et en Afrique du nord.
Bien que les variations multidécennales soient potentiellement prévisibles, si l'état actuel de l'océan est connu, le manque d'observations, sous la surface de l'océan, constitue un facteur limitant pour la pleine réalisation de telles prédictions.
Ici, nous appliquons une approche simple qui utilise seulement les SST (températures de surface de la mer) pour surmonter partiellement cette difficulté et accomplir des prédictions rétrospectives avec un modèle climatique.
Le savoir faire est amélioré considérablement, par rapport aux prédictions faites avec une connaissance incomplète de l'état de l'océan., particulièrement dans les océans Atlantique nord et Pacifique tropical.
Donc ces résultats indiquent la possibilité de prévisions décennales de routine.
En utilisant cette méthode et en considérant à la fois la variabilité interne et le forçage anthropique projeté nous faisons la prévision suivante:
Au cours de la prochaine décennie la circulation méridionale océanique atlantique s'affaiblira à sa valeur moyenne sur le long terme; de plus les SST nord atlantiques et les températures de surface en Amérique du nord et en Europe baisseront légèrement alors que les SST tropicales du Pacifique resteront pratiquement inchangées.
(gloups!)
Nos résultats suggèrent que la température globale ne peut augmenter au cours de la prochaine décennie, alors que les variations climatiques dans l'Atlantique nord et dans le Pacifique tropical, inhiberont le réchauffement climatique anthropique prévu.
(regloups!)
quelques commentaires "à chaud"
Cette étude ne prévoit donc rien moins qu'un refroidissement, certes léger, de l'Atlantique nord et donc de l'Europe au cours des prochaines 10 années (en gros jusqu'en 2015-2020)
La lecture de ce qu'il y a après l'abstract, indique que la température globale (voir fig 4) devrait recommencer à augmenter vers 2010-2011, selon le modèle des auteurs, pour rejoindre la prévision des modèles classiques vers 2025.(il semble y avoir une contradiction, si j'ai bien compris, quant à la période de stagnation de la température globale)
Il semble cependant que les résultats du modèle dépendent, comme on s'en doute, des conditions initiales et donc de la connaissance de l'état de l'océan.
Mais encore une fois, la gestion scientifique et "politique" d'un refroidissement ou d'une stagnation des températures ou d'un moindre réchauffement, c'est selon,(déjà commencée depuis quelques années), s'il se produisait, même partiellement, risque d'être plutôt délicate....
Si l'on suit un peu, par exemple, les efforts d'un Hansen pour contrer, dans son pays, le recours quasi-inexorable, au charbon, en remplacement du pétrole, on se demande un peu si 10 années "froides" aux US, vont être un argument décisif qui va convaincre les décideurs politiques ou, pire, les décideurs économiques.
Surtout si on tient compte de l'urgence dont Hansen assortit son discours.
Enfin c'est à suivre...
D'une manière plus générale, il apparaît, de toutes ces études diverses concernant l'océan, que son influence sur le réchauffement climatique, suite au forçage des GES, manque encore de certitude(s).
C'est le moins que l'on puisse dire.
Les modèles actuels ont plutôt tendance à prévoir une stratification accrue de l'océan, c'est à dire un moindre mélange.
Mais il semble que côté hémisphère sud (voir article sur inertie thermique) ce ne soit pas vérifié et qu'on suspecte au contraire un mélange plus important.
Il en est de même pour La Niña, pour laquelle, d'après un scientifique peu soupçonnable de scepticisme, Gavin Schmidt, on suspecterait maintenant que le réchauffement favorise, de par un renforcement des alizés, les épisodes Niña, établissant ainsi une rétroaction négative supplémentaire.
Enfin, pour le fun, une petite réflexion amusante (enfin je trouve):
L'océan représente une masse immense dont la température moyenne est de l'ordre de 3 à 4°C.
Il représente donc un stock de froid gigantesque, à comparer à une couche de surface assez fine, finalement, de température moyenne égale à 15°C.
Si, par le plus grand des hasards, l'océan parvenait à se mélanger parfaitement et progressivement (en maintenant la température de surface à 15°C), il serait capable de contrer, intégralement, environ 3000 ans de réchauffement climatique anthropique (en supposant un passage de 385 à 560ppm de CO2)
Et encore, sans compter le stock de glace qui ajouterait 400 années supplémentaires.
Sans en arriver à de telles extrémités, exposées simplement pour fixer les idées, on peut peut-être mieux comprendre pourquoi la question du mélange de l'océan est aussi importante et pourquoi un soubresaut de la circulation océanique peut apporter d'aussi grands désordres.(quoique dans le cas de l'AMOC c'est plutôt l'océan vecteur de chaleur méridienne qui est en cause)
Ah oui je rajoute un petit truc tout de même.
En supposant que tout l'océan se mélange et que sa température moyenne augmente de 11.5°C, ce seraient des quantités énormes de CO2 qui seraient larguées dans l'atmosphère.
Ce qui bien sûr augmenterait considérablement le forçage et réduirait la période d'inhibition du RC.