Cet article reprend un thème, déjà abordé ici, qui concerne le délai entre variations des mesures satellitaires de la basse troposphère et ce qui se passe à la surface.
On sait que l'ENSO a une grande influence sur les températures de surface et, encore d'avantage, sur celles de la troposphère.
Les données de l'ENSO sont disponibles à la NOAA tandis que les données satellitaires sont fournies par RSS et UAH.
En principe les variations de température se répercutent très rapidement (délai de quelques minutes à 1 jour) de bas en haut d'une colonne troposphérique quelconque.
Il est donc étonnant de constater que ce n'est pas le cas lors des variations provoquées par l'oscillation El Niño.
L'explication que l'on peut tenter est que l'ENSO ne se manifeste pas seulement par des variations de température des SST et de la sub-surface océanique, mais que les phénomènes amplificateurs de l'oscillation, notamment convectifs, mettent un certain temps à se déclencher.
Qui dit convection (humide bien entendu dans ce cas) dit diminution du gradient vertical.
Autrement dit augmentation de la température à l'endroit où ça se condense, donc dans la troposphère.
Il semble, qu'au moment où ces lignes sont écrites, cela commence à bouger un peu du côté de ces mécanismes.
En effet, comme il est dit sur le site australien de météorologie, la couverture nuageuse a augmenté récemment sur le Pacifique central et ouest, ce qui constitue un signe important d'un Niño émergeant
Cloudiness near the date-line over the central to western Pacific is another important indicator of warm/cool ENSO conditions, as it normally increases/decreases (negative OLR/positive OLR anomalies) during these episodes. Cloudiness near the date-line has increased significantly in the last week, a trend that is consistent with an emerging El Niño.
Bien que les données de juin 2009 ne soient pas encore parues dans la base de données officielle de RSS, certaines sources ( woodfortrees ) citent une anomalie de l'ordre de 0.04°C, soit encore une diminution par rapport à mai (0.09°C).
(RSS a publié l'anomalie de juin égale à 0.075°C au lieu de 0.04°C ce qui ne change pas grand-chose.)
Alors que se passe t'il?
Je ne prétends pas avoir la solution, évidemment, mais je vais soumettre quelques données et graphiques.
Tout d'abord les évolutions comparées de l'ENSO et de l'anomalie globale de température de la basse troposphère.
on distingue un retard de la TLT par rapport à l'ENSO et on peut calculer facilement l'indice de corrélation entre TLT et ENSO.
le coefficient de détermination est de 0.28 soit relativement médiocre quoique significatif tout de même.
Appliquons la méthode simple qui consiste à décaler les séries de données afin de trouver le meilleur coefficient.
On aboutit à un meilleur coefficient de 0.70, très significatif donc, pour un décalage de 3 mois.
Ce décalage correspond à tout ce qui é déjà été dit sur ce blog à ce sujet, néanmoins je n'ai toujours rien trouvé dans la littérature à ce sujet.
Edit du 11/07/2009:
J'ai mal cherché car la littérature en parle tout de même.
Voir par exemple cet article de Trenberth (2000) dont voici un extrait :
"Evolution of El Niño Southern Oscillation and global atmospheric surface temperatures
Kevin E. Trenberth, Julie M. Caron, David P. Stepaniak, and Steve Worley
Following an El Niño the global surface air temperature
typically warms up by perhaps 0.1°C with a lag of 6 months
[Newell and Weare, 1976; Pan and Oort, 1983; Jones, 1989;
Wigley, 2000]. In an exceptional event such as the 1997-1998
El Niño the amount exceeds 0.2°C. Christy and McNider [1994]
and Angell [2000] show that the entire troposphere warms up with
an overall lag of 5-6 months, but the lag is slightly less in the
tropics and is greater at higher latitudes. Consequently, the empirical
evidence suggests a strong diabatic component to El Niño-
Southern Oscillation (ENSO)."
Le délai semble plus important, 6 mois au lieu de 3, et les causes de ce délai ne semblent pas aussi simples que cela.
le "strong adiabatic diabatic (personne ne suit, ça fait plaisir...) component" suggère que l'oscillation n'est pas seulement un échange de masses d'eau froide et chaude au travers du Pacifique équatorial.
fin EDIT
Enfin les faits sont là et on peut retracer alors les courbes des données décalées :
la comparaison des moyennes sur 3 mois avec décalage de 3 mois (le fait que les durées de la moyenne et du décalage soient les mêmes est fortuit) est encore plus parlante :
En conséquence, il est très probable que l'anomalie satellitaire de la basse troposphère du mois de juillet remonte sensiblement.
D'après les organismes qui s'occupent de surveiller l'ENSO, il semble se confirmer que nous allions vers un El Niño, dont on ne peut prévoir la force, dans le second semestre 2009.
Cette année sera donc assez vraisemblablement (mais les surprises ne sont pas impossibles) assez bien placée dans le classement des années les plus chaudes, d'autant que l'activité solaire redémarre enfin.
On suivra ça.
PS du 18/07/2009 : il semble que ce site fasse des émules
voir cet addendum dans cet article d'un site sceptique bien connu :
« Addendum: I should point out that there is a lag between surface and lower troposphere, so we'll see what July says as LT is already shaping up a bit warmer at UAH. - Anthony"
comme quoi, il n'est jamais trop tard pour apprendre...
mais il va falloir que je fasse valoir des droits d'auteur