Nous assistons, depuis quelques années, de façon assez évidente, à une relative stagnation de la température globale.
Cela a été évoqué plusieurs fois dans ce blog.
Dans ce contexte, il peut être intéressant de parler de cet article de Swanson et Tsonis:
Has the climate recently shifted? paru dans GRL.
On lira également, par les mêmes (plus quelques autres) :
The pacemaker of major climate shifts et A new dynamical mechanism for major climat shifts
Dans cet article, les auteurs analysent quatre modes ou indices climatiques ( ENSO PDO NAO NPI ) par une méthode statistique relativement pointue et plutôt ardue à comprendre pour des non-initiés.
Ils détectent, par cette méthode, des phénomènes de synchronisation et de couplage entre les différents modes.(Les définitions de la synchronisation et du couplage sont données dans l'article. La synchronisation est dérivée de la « cross-correlation » entre les différentes paires de signaux.)
Lorsque ces modes sont synchronisés, leur couplage se renforce et finit par détruire la synchronisation, faisant basculer le climat dans un nouvel état.
La figure 1 de leur étude, reproduite ci-dessous, permet d'illustrer ces phénomènes.
En haut, la synchronisation, au milieu, le couplage, en bas, la courbe d'évolution de la température globale avec des tendances linéaires.
On notera l'importance du "shift" entre 1930 et 1950 par rapport aux "shifts" plus récents.
Ce que l'on peut en penser
Il semble qu'il s'agisse avant tout de détecter ce qui peut faire sembler basculer le climat d'un état à un autre.
La synchronisation des oscillations climatiques semble être ce qui déclenche les basculements.
Les auteurs prennent cependant bien soin de dire que ces phénomènes se superposent à un signal long terme vraisemblablement anthropique.
Ceci dit, ce n'est qu'une supposition, et, de là, en partant de leur étude, à bâtir une théorie du réchauffement basée uniquement sur la variabilité climatique, il n'y a qu'un pas que les sceptiques ne se sont pas abstenus de franchir, comme on s'en doute.
Les auteurs indiquent que la croissance monotone du forçage anthropique ne permet pas d'expliquer ce qu'ils voient comme des changements d'état du climat.
Mais, comme il a déjà été montré sur ce blog, l'estimation des forçages naturels et anthropiques, appliqués à un « modèle » simplifié ne donne pas une courbe d'évolution de la température aussi monotone que cela.
Bien sûr la critique de cette reconstruction, basée sur des estimations, sur un modèle certainement trop simple, et sur une sensibilité climatique préétablie est tout à fait recevable.
En faisant l'hypothèse que la reconstruction est correcte, l'examen de l'écart entre les observations et une reconstruction basée uniquement sur les forçages externes, montre, que l'amplitude maximale des oscillations, ou des changements d'état du système, est de l'ordre de 0.25°C.
Sur la période récente cette amplitude maximale est de l'ordre de 0.15°C.
On retrouve un peu, ce qui est normal, le shift détecté par Tsonis et Swanson au début des années 2000 (Swanson et Tsonis parlent de 2001-2002).
Notons que la prise en compte de l'ENSO, rend l'écart, depuis 1980, plutôt plat:
Le traitement statistique des oscillations climatiques n'est pas récent.
Il semble, malgré tout, que les études de Tsonis et Swanson soient plutôt sérieusement menées, bien que nous n'ayons pas ici les moyens de vérifier la validité des corrélations, synchronisation et autres couplages.
Les auteurs abordent, dans un de leurs articles, la simulation des oscillations par les modèles.
Mais si cette simulation dépend d'une paramétrisation basée sur des observations, son indépendance par rapport à ces dernières n'est pas évidente et l'utilisation des modèles pour détecter la réalité et expliquer les mécanismes des synchronisations et couplages, semble avoir encore une bonne marge de progression.
Particulièrement en ce qui concerne le lien NAO-ENSO même si l'explication des liens PDO, NPO, ENSO, est peut-être plus facile.
Ce qui apparaît de la petite simulation que nous avons réalisée, est que le changement d'état détecté par Tsonis et Swanson, en 2001-2002, semble, en grande partie, justifié par une phase ENSO plus froide.
L'étude de T et S ne dit pas combien de temps peut durer cette phase froide, ni quelle sera son amplitude.
Il est dit qu'elle peut durer quelques décennies...étant donné ce qui s'est déjà passé...On ne sait pas, en fait.
Un des points peut-être assez étrange de la conclusion de T et S est que, la sensibilité du climat aux oscillations internes semblant assez grande, elle pourrait être plus grande que prévue aux forçages externes comme les forçages anthropique, solaire et volcanique, par exemple.
Dommage qu'ils n'aient pas développé ce point qui semble loin d'être évident.